mardi 1 février 2011
Un premier extrait de l'Odyssée
La tornade
La guerre s’étant bel et bien soldée par une victoire pour Ag’Menna, El’Issa et leurs alliés, le départ des troupes s’avéra imminent. C’est en tout cas, la décision prise par le conseil des dieux réunis au sommet du Mont Hombori. « Dégagez-moi tout ça, hurlait Dongo, Je ne veux plus rien voir de cette cité maudite, et de toute cette vermine humaine, dégagez-moi tous ces soldats, qu’il rentrent chez eux ! »
Aussitôt dit, aussitôt fait. Aidé de la déesse Moussokoroni, de Yarara le zéphyr ainsi que d’une divinité de la pluie fraîchement arrivée à Hombori pour inaugurer la saison humide, Faro, dieu des eaux, fit monter la crue comme on ne l’avait jamais vu – parole de griot – gronder le tonnerre en un vacarme d’enfer et souffler le vent à en décorner les zébus. La cité de terre fondait à vue d’œil, et les humains soulevés par le vent s’éparpillaient au-dessus du sol tels des criquets sur un champ de mil.
Idriss et son équipage – pas moins de douze pirogues emplies de bons rameurs – furent projetés loin, très loin en aval de Djoliba, et échouèrent aux abords d’une ville-oasis, bordée de dunes, élégamment nommée Gao. Le comportement des soldats d’Idriss manqua totalement de courtoisie. Par pure habitude, ils ne purent s’empêcher de piller la ville, se remplissant la panse des mets délicieux que prodiguait l’oasis, et s’abreuvant à outrance de vin de palme. Sur leur passage, ils n’hésitèrent pas à tuer des hommes, à s’emparer de leurs biens mais aussi de leurs femmes, en un butin qu’ils commencèrent à se partager grossièrement. Idriss finit par réagir, intimant à ses compagnons de calmer leurs ardeurs et d’arrêter le massacre. Remords un peu trop tardifs… les tribus nomades avoisinantes étaient déjà là, prêtes à défendre leur belle oasis et ses habitants pacifiques. Les uns et les autres se livrèrent une bataille acharnée. Dans le camp d’Idriss, on compta plusieurs morts, et quelques pirogues furent sérieusement endommagées. Idriss sonna le départ, la mort dans l’âme… Non seulement les vents et courants l’avaient éloigné encore plus de son Siby natal, mais le voyage déjà endeuillé par cette imprudence s’annonçait bien mouvementé. Il pressentait que les dieux n’étaient pas avec lui…. Ce n’était en effet que le tout début de leurs mésaventures…
Dongo, dieu des dieux, regardant d’un œil distrait ce qui se passait en bas chez les hommes, tomba sur l’hécatombe de Gao et s’en trouva tout retourné… Il appela à nouveau Faro et sa divine équipe pour donner une leçon à cet âne d’Idriss, selon ses propres termes. Dongo était déçu : Idriss s’était toujours montré courageux, il avait combattu vaillamment avec sa petite flotte et s’était brillamment illustré dans la guerre de Timbouktou. Et pourtant sa réputation faisait de lui un sage peu enclin aux guerres et aux batailles. Il avait enduré dix ans de guerre par sens du devoir et de l’honneur.
Ce sac de Gao, était vraiment décevant. Faro fut ravi, de répondre à l’ordre de Dongo, vexé par l’ingratitude d’Idriss à son égard lors du dénouement de la guerre. « Ah, il fanfaronnait au bord de mes eaux bienveillantes, et bien qu’il tangue maintenant ! »
D’un vent violent venu du Nord, ils remuèrent fleuves et terres. L’horizon était complètement bouché. Idriss avaient bien du mal à donner des ordres à tous ses piroguiers. La poussière ocre était dense et se mêlait au sable pour aveugler les pauvres navigateurs. Les voiles neuves dérobées à Gao étaient déjà en lambeaux, lacérées par un vent cruel. Pour conclure sa correction, Dongo fit tomber une nuit sans astre, tel un lourd rideau de case.
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