lundi 26 avril 2010

LE COMBAT SINGULIER

Fari sortit du rang et s’avança vers les ennemis, provoquant qui voudrait l’affronter en combat singulier. Portant une peau de panthère sur les épaules, et sur son dos un arc puissant, armé d’une épée redoutable et de lances, protégé par un bouclier finement ouvragé, il faisait peur à tous ceux qu’il défiait. Confiant en la puissance des nombreux gris-gris qu’il portait sur le corps, attachés à ses bras, sa taille et ses jambes par des lacets de cuir, il se croyait invincible, oubliant que seuls les dieux décident du sort des hommes.



Reconnaissant le jeune insolent qui lui avait ravi son épouse, El’Issa se sentit la force et la rage d’un vieux lion, et décida de laver cet affront dans le sang. Sautant de son cheval, il marcha sur son rival, les armes à la main.

Le voyant sortir du nuage de poussière, Fari le reconnut et recula. Moktar le prit à partie :

_ Quoi, Fari, est tu mon frère ou ma sœur ? Que diront nos ennemis que tu as défiés, si tu recules devant El’Issa ? En prenant sa femme tu as causé cette guerre, et maintenant tu voudrais fuir ? Veux-tu salir ton nom et celui de Maïga notre père ?

_ Tu as raison, répondit Fari. Faites asseoir les troupes. J’affronterai El’Issa, et le vainqueur gardera la belle Fulani et ses trésors. La guerre sera finie, et les vies des guerriers seront épargnées.

Moktar envoya des émissaires aux assaillants, qui acceptèrent la proposition. Puis il fit quérir le vieux Maïga, pour que celui-ci fasse, entre les deux armées, le sacrifice d’un bélier aux longues cornes. Après quoi il jura qu’en cas de victoire, El’Issa reprendrait sa femme. Et ce dernier jura que si Fari venait à le tuer, le siège de Timbouktou serait levé. Assiégés et assiégeants prièrent ensemble les dieux pour que ce jour soit le dernier jour de la guerre.

Mais les dieux font ce que bon leur semble.

Le sort désigna Fari pour être le premier à jeter sa lance. Le jeune prince choisit son arme la plus droite et la mieux équilibrée, et la fit osciller dans sa paume, avant de lui donner toute la force de son bras et de son corps projetés en avant. Hélas, la pointe de bronze se plia sur le bouclier d’El’Issa. Jetant son arme à son tour avec toute la rage de l’offensé, le roi du Macina était certain de tuer son rival. Sa lance creva le bouclier de Fari, mais le jeune homme se pencha de côté pour esquiver le coup. Ils se jetèrent l’un sur l’autre avec leurs épées, mais la lame d’El’Issa se brisa. Avec l’énergie du désespoir, il bouscula Fari et le fit tomber, pour se saisir de la peau de panthère qui entourait son cou. Il le traîna sur le sol en direction de son camp, cherchant une arme avec laquelle l’achever.

Voyant son protégé perdu, la déesse Foroforondou rompit le cuir, et El’Issa se retrouva avec la peau du fauve dans les mains, tandis que Fari était magiquement transporté dans son lit, bien à l’abri derrière les murs de Timbouktou.

Hommes et dieux considérèrent pourtant que la victoire revenait à El’Issa.

Mais les déesses que Fari n’avait pas distinguées pour leur beauté, refusaient la fin de la guerre et la levée du siège.
_ Quel mal a donc fait cette ville pour mériter votre haine ? Le vieux Maïga et ses sujets méritent de vivre en paix, plaida Dongo.

Pourtant, il consentit à la volonté des déesses. Celles-ci trouvèrent le moyen de rompre la trêve. La Mousso Koroni fut envoyée parmi les humains et, prenant l’aspect d’un guerrier de la cité, descendit de Hombori et se mêla à l’armée, cherchant le meilleur des archers, à qui elle dit :

_ Tu seras le héros de cette bataille, si tu tires une de tes flèches sur El’Issa. Maïga et Fari te donneront une belle récompense.



Le naïf guerrier, alléché par cette promesse, banda son arc et tira. La flèche déchira les vêtements d’El’Issa et le sang coula, mais la blessure n’était pas mortelle.

La trêve était rompue, et les deux armées, que seul un jet de fronde séparait, se remirent à marcher l’une sur l’autre. Une terrible bataille s’engagea, dans une confusion totale, levant à nouveau des nuages de poussière déposés depuis peu. De nombreux jeunes guerriers périrent encore en vain, dans un camp comme dans l’autre, et s’en furent dans l’autre monde pleurer leurs belles années.




Antoine Barral

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Ce blog vous présente mon prochain livre, à paraître aux éditions Grandvaux en mars 2011.

http://editionsgrandvaux.free.fr/

Il s'agit d'une transposition de L'Iliade en Afrique de l'ouest dans la boucle du fleuve Niger.

http://www.decitre.fr/livres/L-illiade-d-Houmarou.aspx/9782909550718

Suivra l'Odyssée, adaptée par Marie Laure de Noray.



Une adaptation pour la scène est prévue à Montpellier avec le conteur Irénée Domboué dans le rôle d'Houmarou le griot.

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