vendredi 23 avril 2010

LE SIEGE DE TIMBOUKTOU

La guerre durait depuis neuf ans déjà. Les dieux étaient divisés et versatiles. Depuis neuf ans, ils n’avaient pas décidé de la victoire, donnant l’avantage tantôt aux assiégés, tantôt aux assiégeants. Entre les trêves et les nombreuses escarmouches, le siège de Timbouktou semblait interminable.



Nombre de vaillants guerriers des deux camps partirent ainsi dans l’autre monde, pleurant leur jeunesse sacrifiée en vain.

Timbouktou était riche, car toutes les routes du commerce s’y croisaient. L’or, le sel gemme, la gomme d’acacia, les bêtes et les esclaves s’y échangeaient depuis toujours. Ses marchés regorgeaient d’épices, de riches étoffes, de monceaux de dattes et de jujubes, d’empilements de poteries sortant des fours. Ses murs étaient hauts et solides, ses greniers pleins, et ses habitants fidèles à leur roi.



Entre les murailles de la cité et les eaux de Djoliba, les assiégeants avaient établi leurs campements.

De l’amont comme de l’aval, par le fleuve comme par les plaines, de gré comme de force, les rois et leurs peuples avaient répondu à l’appel de l’amenokal Ag’Menna, roi des rois. Bambara, Songhaï, Mossi, Bozo, Somono, Dogon, Peul, Tamasheq, chaque peuple avait envoyé ses meilleurs guerriers.



Venues de Koulikoro, de Siby, de Ségou, de Djenné, de Ké-Macina, de Gao, de Say et mainte autre ville ou village, les pirogues de toutes tailles, par centaines, étaient tirées sur la grève. Hommes et bêtes piétinaient dans la boue.



Pour nourrir la masse des assiégeants, les pêcheurs bozos et somonos avaient établi leurs campements, et leurs séchoirs à poissons auprès des pirogues.

Pour nourrir la masse des assiégeants, les bergers peuls avaient établi leurs enclos à bétail et leurs abreuvoirs entre les pirogues.
D’immenses troupeaux de bœufs, de chameaux, de moutons et de chèvres, déambulaient bruyamment entre les campements.

Plus haut, hors d’atteinte des crues, les rois et les guerriers avaient installé leurs demeures.
Au centre, les cases de secco des Peuls d’El Issa, dont la paille, dorée au début, grisait avec le temps. À côté, les Bambaras d’Idriss, roi de Siby, et d’autres peuples avaient édifié des cases de banco, l’argile mêlée de paille. Plus loin s’élevaient les vastes tentes de peau tannée des Kel Tamasheq, dont les principaux chefs étaient Ag’Menna et Ag’Illies. Plus loin encore étaient les modestes ékarbanes, dômes faits de nattes, sous lesquels s’abritaient leurs serviteurs Bella.



Les années passant, ce camp commença à ressembler à une petite ville protégée par une zériba, clôture simple mais redoutable faite de grosses branches d’acacias aux terribles épines, couchées et entrelacées à même le sol. Les meilleurs chevaux et méharis servant pour la guerre étaient gardés dans des zéribas plus petites. Un marché s’installait parfois à proximité du camp, et quelques cultivateurs semèrent les champs alentour.

Antoine Barral

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